et parce qu'ils m'ont donné du fils à retordre et que je les aime bien :



3 jours en février, Onnaing


Me voilà les pieds nus ancrés dans une terre meuble à mi-parcours d’un alignement d’arbres, menhirs vus du ciel, frontière entre habitations et forêt au sol. D’un côté une fenêtre ouverte diffuse les quatre saisons de Vivaldi, de l’autre s’élèvent les aboiements d’un chien furieux en autant d’échos lugubres prisonniers du sous-bois. Je ferme les yeux et m’isole, là, exactement au-dessus de l’Enfer, ressens les vibrations d’une eau traînante, perçois son chuchotis, m’enfonce mentalement dans son cours souterrain puis m’allonge et m’endors sur la mousse.

Le jour toque à mes paupières. J’ai froid, recroquevillée dans cet ailleurs au crachin mordant. Une bête immobile et silencieuse me toise. Je me lève sans mouvement brusque, étire lentement mes membres douloureux, enfile mes bottes pour l’approcher. « Est-ce toi que j’ai entendu hurler ? M’as-tu veillée cette nuit ? ». Aucune réponse, l’animal s’éloigne et s’éclipse dans la pénombre d’un chemin discret entre les feuillus. À sa place je trouve des morceaux de terre cuite, étrange… Décidée à ne pas réfléchir, je me lance à sa recherche, « Aboie ! Donne-moi un indice ! ».

Je découvre une maison esseulée prise dans les griffes de branches centenaires, au bord d’une route que personne ne semble avoir empruntée depuis longtemps. À l’arrière, une chaîne rouillée au départ d’une cabane en bois. J’avance à pas de loup, m’attendant à voir surgir ma sentinelle. Rien, juste une niche abandonnée. À l’intérieur, des pipes en terre cuite, des débris de faïence, des miettes de charbon. Assurément les souvenirs d’une histoire, mais ce ne sont pas les miens. Je tourne les talons et repars, dans l’air flotte comme odeur de chien mouillé.